Soudan du Sud : le Programme alimentaire mondial (PAM) largue des vivres pour conjurer la menace (…)
Des centaines d’objets volants strient le ciel nuageux avant de s’abattre en rafale sur le sol. Pour la première fois depuis des mois, ce ne sont pas des bombes qui pleuvent sur l’État du Haut-Nil, mais des paquets de nourriture.
Dans cette région du nord-est du Soudan du Sud, ravagée depuis mars par une flambée de violence, le Programme alimentaire mondial (PAM) a lancé la semaine dernière une opération de largages aériens d’urgence pour nourrir plus de 40.000 personnes menacées par la famine.
« Le lien entre le conflit et la faim est tragiquement clair au Soudan du Sud, et nous l’avons constaté au cours des derniers mois dans le Haut-Nil », alerte Mary-Ellen McGroarty, Représentante du PAM dans le pays.
La faim s’enracine
Selon l’agence onusienne, près de huit millions de Sud-Soudanais – soit plus de la moitié de la population – souffrent d’insécurité alimentaire aiguë. Un tiers d’entre eux résident dans le nord-est du pays, une zone frontalière de l’Éthiopie, où les combats se sont intensifiés entre les forces armées du président Salva Kiir et un groupe de miliciens connu sous le nom de l’« Armée blanche », que le chef de l’État accuse d’être liée à son rival historique, le Premier vice-président Riek Machar.
La rivalité entre M. Kiir, issu de la communauté Dinka, et M. Machar, de la communauté Nuer, est au cœur des fractures de la plus jeune nation du monde, qui a sombré dans une guerre civile à dimension ethnique en 2013, deux ans après son indépendance. Un accord de paix, signé en 2018, avait instauré un fragile partage du pouvoir. Mais la reprise des combats dans le nord-est et l’arrestation de M. Machar dans la capitale, Juba, au mois de mars, ont fait voler l'accord en éclat et provoqué des déplacements massifs, aggravant une crise humanitaire déjà alarmante.
Dans le Haut-Nil, plus d’un million de personnes souffrent aujourd’hui de la faim, dont 32 000 en situation de famine imminente – trois fois plus qu’il y a quatre mois. De nombreux habitants ont fui vers l’Éthiopie, où environ 50 000 d’entre eux reçoivent désormais une aide du PAM.
Aider 470.000 personnes d'ici août
Face à l’urgence, l’agence prévoit de venir en aide à 470.000 personnes dans le Haut-Nil et l’État voisin de Jonglei durant la période de soudure – cette saison de disette qui précède les récoltes et s’étend jusqu’en août. Mais les combats persistants et les contraintes logistiques freinent les efforts : seules 300.000 personnes ont pu être atteintes depuis janvier.
Pour contourner les routes bloquées, 700 tonnes de nourriture sont actuellement livrées par avion dans les comtés de Nasir et d’Ulang, des zones reculées du Haut-Nil – de quoi couvrir deux mois de rations. En parallèle, 1.500 tonnes supplémentaires attendent d’être acheminées par voie fluviale, suspendues à la réouverture des couloirs humanitaires.
« Au cours du premier semestre de cette année, nous avons fait reculer la faim catastrophique dans certaines régions de l’État de Jonglei grâce à des livraisons régulières d’aide alimentaire, et nous pouvons faire de même dans le Haut-Nil », a indiqué Mary-Ellen McGroarty. « Mais si nous ne parvenons pas à faire parvenir la nourriture aux populations, la faim s’aggravera et la famine constituera une menace réelle et actuelle ».
Le PAM demande 274 millions de dollars
Le tableau est d’autant plus sombre que les financements internationaux s’amenuisent. Faute de ressources suffisantes, le PAM a dû réduire ses rations, limitant son aide à 2,5 millions de bénéficiaires parmi les plus vulnérables.
Pour maintenir ses opérations jusqu’en décembre, l’agence affirme avoir besoin en urgence de 274 millions de dollars. Faute de quoi, la catastrophe humanitaire, déjà palpable, risque de basculer dans l’irréparable.
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